Le principe de responsabilité s’écroule
Les députés de l’Assemblée nationale ont reçu 500 000 pour certains et 1 million de FCFA pour d’autres, selon Abdou Mbacké Bara Dolly après la fin de la session budgétaire 2023. Des fonds et moyens publics sont utilisés à des fins électorales et politiques. Les corps de contrôle de l’Etat produisent des rapports effarants sur la mauvaise gouvernance des deniers publics. Des institutions abritent des fonds politiques soumis à aucun contrôle. Le député Farba Ngom a porté des accusations contre un ancien premier ministre et un ministre d’avoir reçu de l’argent de ses mains ou par l’intermédiaire d’une autorité. Le Gouvernement engage des dettes, investit l’argent dans des politiques qui participent à enrichir des fonctionnaires, hommes politiques et hommes d’affaires, au lieu de s’occuper véritablement des préoccupations des populations.
Le tableau est vraiment sombre en matière de gestion et de transparence.
C’est le lot de tous les régimes qui se sont succédé à la tête du pays, depuis les indépendances. La manne votée par l’Assemblée nationale, en termes de Loi de Finance Initiale et de Loi de Finance Rectificative, fait l’objet d’abus et de prédation.
«Les marchés publics constituent un baromètre pertinent pour mesurer le degré d’engagement des pouvoirs publics en matière de transparence et d’efficacité. En effet, ils conditionnent indirectement le processus de production. Dans la quasi-totalité des pays, l’Etat est de loin le plus grand acquéreur de biens et services au point que bon nombre d’entreprises projettent leur chiffre d’affaires en fonction des commandes publiques qu’elles convoitent», indique la Charte de Transparence et d’Ethique en matière de marchés publics. Le choc et l’incompréhension causés par le rapport de la Cour des Comptes sur les fonds dégagés pour contrer la pandémie de la Covid-19, pointe que les citoyens sénégalais revendiquent, à tout bout de champ, d’être informés de l’utilisation des fonds publics. C’est l’un des moteurs depuis des années, en termes de campagne lors des élections au Sénégal. Ce qui nous avait valu en 2012, le fameux slogan : «La patrie avant le parti».
La loi n° 2012-22 du 27 décembre 2012 et la loi n°61-33 du 15 juin 1961 transgressées
Le Sénégal s’est résolument engagé à mettre en place un cadre juridique et institutionnel régissant la conduite des agents publics, en référence d’une part à la Convention des Nations unies contre la Corruption, ratifiée par le Sénégal et entrée en vigueur depuis 2005, selon lequel chaque État Partie doit appliquer, dans le cadre de ses propres systèmes institutionnel et juridique, des codes ou des normes de conduite pour l’exercice correct, honorable et adéquat des fonctions publiques et d’autre part, à la directive n°01/2009/CM/UEMOA portant code de transparence dans la gestion des finances publiques, transposée dans notre législation à travers la loi n° 2012-22 du 27 décembre 2012. Au révélateur du dernier rapport sur la Cour des Comptes, toutes ses lois sont piétinées par les actuels gouvernants. C’est dire que toutes les personnes impliquées dans ce carnage financier ne sont pas conscientes et font fi des textes qui organisent la carrière des agents publics fixent leurs droits et obligations et édictent des règles d’éthique et de déontologie. Elles se sont détourné du cadre sur lequel repose un ensemble de principes, de règles et de valeurs morales partagés par la société sénégalaise et devant guider, en toutes circonstances, les agents publics dans l’accomplissement de leurs missions.
L’ampleur des informations judiciaires demandées par la Cour des Comptes dans le dossier du «covidgate» montre que le pays est méconnaissable. Et si rien n’est fait par le Président de la République, le Sénégal tombe sous le coup d’un régime autoritaire. Et tous les observateurs politiques vous diront qu’il n’est pas de régime autoritaire sans corruption. La corruption est précisément ce qui vérole le pacte social, ce qui affaiblit toutes les défenses immunitaires, ce qui ronge tous les principes de cohésion et de responsabilité, de justice et de liberté. Lorsque l’adversité et la fin d’un pouvoir sont-là, ce sont ces principes qui prévalent et donnent seuls l’espoir d’une victoire. Vivement un organe d’éthique pour surveiller tout cela !
Abdoulaye DIOP