Le débat parlementaire à l’occasion du dépôt de la Motion de Censure contre le gouvernement du Premier, Ministre Amadou Bâ, a suscité la controverse, voire la passion aveugle entre le pouvoir et l’opposition républicaine. La contradiction, l’opposition des approches ou des discours est, et restera pour longtemps le supplément d’âme de ce genre d’exercice républicain.
La majorité parlementaire très étriquée du reste et le chef d’orchestre de l’action gouvernementale ont défendu becs et ongles, le bilan des réalisations du Président de la République, Macky Sall et mis en relief, les objectifs économiques, sociaux, culturels et politique du budget national voté par l’Assemblée nationale.
L’opposition parlementaire a joué pleinement sa fonction. La critique systématique des orientations du pouvoir et la souffrance des sénégalais ont servi de fil conducteur aux interventions des opposants. Le débat contradictoire a respecté les règles établies par la Constitution et le Règlement Intérieur de l’Assemblée nationale. La présentation de Déclaration de Politique Générale et l’usage de la Motion de Censure font donc partie du jeu politique démocratique.
Paradoxalement, ce qui n’était qu’un exercice démocratique entre le pouvoir et son opposition au Parlement a révélé, non pas des échanges fructueux et intelligents, mais plutôt, la peur bleue du discours tranchant pour le changement. L’irruption de certaines expressions presque caricaturales des adversaires du pouvoir cristallise en réalise la psychose précoce d’une fin règne annonciatrice, la panique de la majorité présidentielle.
La Motion de Censure a été qualifiée de Motion de Censure contre les pères fondateurs de la République, contre la stabilité institutionnelle, contre les valeurs culturelles et religieuses du Sénégal. Il n’en est absolument rien. Un tel discours émotionnel est un discours incendiaire, destructeur des fondements fragiles de la démocratie pluraliste et des institutions républicaines. Il aiguise la tension et alimente la violence politique.
D’autres responsables de la mouvance présidentielle qualifieront les porteurs de la Motion de Censure, par tous les noms d’oiseau : des anti-patriotiques, des haineux, des subversifs, des indisciplinés, des inexpérimentés, des irresponsables. Des pans de la majorité présidentielle ont apparemment du mal à composer avec la configuration d’une Assemblée Nationale équilibrée rompant de fait avec la langue de bois du discours officiel et la pensée unique pour faire plaisir et endormir le maître du jeu.
La manière d’exprimer son ressenti intérieur, ses convictions politiques, idéologiques et son ardente aspiration à changer la manière de gouverner le Sénégal heurtent la quiétude et la conscience de responsables au service du Principe.
La majorité accepte difficilement, que des jeunes députés révoltés contre la manière de gouverner les affaires publiques expriment la colère d’un peuple meurtri dans sa chair par la mal gouvernance institutionnelle de son élite politique et économique : une jeunesse désemparée et inquiète de son avenir.
Les gardiens de l’ordre menacé ont ainsi peur de rompre avec les privilèges du pouvoir, avec les mécanismes de la majorité parlementaire mécanique, avec l’inféodation du parlement à l’exécutif et avec les mauvaises pratiques politiques politiciennes que les électeurs sénégalais ont sanctionnées aux dernières élections locales et aux législatives.
La peur du discours du changement de gouvernance nourrit le climat malsain, délétère dans lequel se meuvent des gouvernants incapables d’accepter l’esprit et la lettre de la démocratie pluraliste. L’opposant est encore le mal pensant public. Le traitre à la nation. Le virus à éradiquer avant qu’il ne se propage sur l’ensemble du territoire national.
Il faudra pourtant accepter le changement de tonalité et la portée historique du discours d’une opposition parlementaire majoritaire dans les départements les plus importants et les plus politisés du Sénégal. L’opposition parlementaire contrôle aussi les principales communes des grandes villes du pays.
Le respect des différences et l’acceptation du discours de rupture avec la pensée unique, sont désormais de nouveaux paradigmes à intégrer au cœur du débat politique. La démocratie pourrait alors retrouver sa vitalité, son dynamisme, ses valeurs républicaines et se mettre au service exclusif du peuple, le seul souverain.
Mamadou SY Albert